21 novembre 2024
07:23
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L’aspartame classé « possiblement cancérogène » : quatre questions sur une décision choc

Après plusieurs décennies de controverses scientifiques, le Centre international de recherche sur le cancer a décidé, ce vendredi, de changer de classification l’édulcorant présent dans bon nombre de produits alimentaires.

Coup de tonnerre dans le monde agroalimentaire, ou simple étape symbolique dans la controverse sur la dangerosité supposée des édulcorants ? L’aspartame, « faux sucre » présent dans des dizaines de produits consommés quotidiennement en France et dans le monde, vient d’être classé ce vendredi « cancérogène possible » (ou « peut-être cancérogène) par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), qui l’a annoncé à l’occasion d’une conférence de presse à Genève, en Suisse.

Les conclusions de cet organisme de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sont parues dans la nuit de jeudi à vendredi dans la très sérieuse revue scientifique The Lancet Oncology. Pour autant, le Comité mixte d’experts des additifs alimentaires (JECFA) n’a pas préconisé d’abaisser la dose maximale recommandée quotidiennement. Explications.

Qu’est-ce que l’aspartame ?

Apparu dans les années 1980, l’aspartame est un édulcorant, c’est-à-dire un additif alimentaire donnant un goût sucré. Présent généralement sous la forme d’une poudre blanche, il est utilisé dans plusieurs milliers d’aliments et de boissons allégés en calories : yaourts, céréales, confiseries mais aussi sodas, Coca Zéro et autres Pepsi Max, chewing-gums et certains médicaments comme les sirops et pastilles.

Son pouvoir sucrant est « environ 200 fois supérieur à celui du sucre », indique l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA). Autrement dit, « un tout petit volume permet de maintenir un goût sucré », décrit Jean-Michel Lecerf, chef du service nutrition de l’Institut Pasteur de Lille.

Qu’est-ce qui a justifié de le changer de catégorie ?

Le CIRC a décidé de se replonger sur le cas de l’aspartame « en raison de la disponibilité de nouveaux résultats de recherche sur le cancer chez l’homme et l’animal de laboratoire ». Environ 1 300 études, menées dans des multiples pays, ont été analysées en détail.

Parmi elle, une recherche française a fait grand bruit. Parue en mars 2022, dans la revue PLOS Medicine, elle a été menée sur plus de 100 000 adultes entre 2009 et 2021. Résultat : ceux qui consommaient le plus d’édulcorants, en particulier d’aspartame et d’acésulfame-K, présentaient un risque accru de développer un cancer, tous types d’organes touchés. En particulier, celui du sein et liés à l’obésité.

« Ces résultats ne soutiennent pas l’utilisation d’édulcorants en tant qu’alternatives sûres au sucre (…) et fournissent des données importantes pour leur réévaluation en cours par l’Autorité européenne de sécurité des aliments et d’autres agences de santé publique dans le monde », concluait à l’époque la Dr Mathilde Touvier, directrice de recherche à l’Inserm et coordinatrice de cette étude.

Que signifie « possiblement cancérogène » ?

Le CIRC distingue quatre catégories : « inclassable », « possiblement cancérogène », « probablement cancérogène » et « cancérogène » pour l’homme. « On a parfois beaucoup de mal à passer de possible à probable, et a fortiori de probable à certain », avance Jean-Michel Lecerf.

La catégorie « possiblement cancérogène » regroupe notamment les produits présentant des preuves « limitées de cancérogénicité chez l’homme », « suffisantes de cancérogénicité chez l’animal de laboratoire », ou bien « démontrant que l’agent présente des caractéristiques clés des cancérogènes ».

Jusqu’à présent, 322 composés étaient concernés. On retrouve dans cette liste l’Aloe vera, le dioxyde de titane mais aussi énormément de produits chimiques. L’aspartame en fait donc désormais partie.

Du coup, est-il risqué de consommer des produits contenant de l’aspartame ?

Gare à la précipitation ! Les études analysées n’ont montré que des preuves « limitées » de cancer chez l’homme et l’animal, selon l’OMS, qui appelle, avec force, la communauté scientifique à approfondir les investigations : il y a donc un signal à explorer. Boire de temps en temps du Coca Zéro ou manger un gâteau au faux sucre n’a « pas automatiquement de conséquence sur la santé », assure la docteure Mary Schubauer- Berigan du CIRC. Mais il faut « limiter sa consommation ». Un mot à retenir : la modération.

En conséquence, il n’y a pas de raison d’abaisser les normes pour le moment. Et le lobby de l’aspartame, soulagé, applaudit des deux mains. « Le CIRC n’est pas un organisme de sécurité alimentaire et leur examen de l’aspartame n’est pas scientifiquement complet et repose en grande partie sur des recherches largement discréditées », avait asséné fin juin Frances Hunt-Wood, secrétaire générale de l’association internationale des édulcorants.

Fixée dès 2013 par l’Agence européenne de sécurité des médicaments, « la dose journalière admissible » est de 40 mg par kilogramme de poids corporel. Concrètement, cela donne 3 200 mg d’aspartame par jour pour quelqu’un pesant 80 kg. À titre d’exemple, le Circ évoque une canette de soda light qui en contient entre 200 et 300 mg. Il faudra donc – pour une personne de 80 kg – en consommer entre 10 et 16 par jour pour qu’il y ait un risque ! Heureusement, la consommation réelle est « bien inférieure » à cette quantité, estime l’EFSA.

L’OMS appelle aussi les parents à ne pas habituer leurs enfants à consommer des sodas light. Mais que choisir entre le Coca rouge et le Coca Zéro : sucre, faux sucre ? À cette question, le docteur Francesco Branca, directeur de la nutrition à l’OMS répond : « Il y a une troisième alternative, c’est de boire de l’eau. »

Leparisien via vigilinfo.net

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